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Photo du rédacteurOlivier RENAUD

Petite réflexion sur le pouvoir

Alors qu'il est âgé de seize ans, Etienne de La Boétie écrit l'un des textes les plus radicaux sur les rouages de la domination politique. Selon La Boétie, si le peuple est opprimé, la faute n'en revient pas aux tyrans mais au peuple lui-même.

Ce mécanisme porte un nom : la servitude volontaire. La Boétie - "Discours de la servitude volontaire"





Extrait : Pauvres et misérables, peuples insensés, nations opiniâtres en votre mal et aveugles en votre bien, vous vous laissez enlever, sous vos propres yeux, le plus beau et le plus clair de votre revenu, piller vos champs, dévaster vos maisons et les dépouiller des

vieux meubles de vos ancêtres!


Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies. Et tout ce dégât, ces malheurs, cette ruine enfin, vous viennent, non pas des ennemis, mais bien certes de l’ennemi et de celui-là même que vous avez fait ce qu’il est, pour qui vous allez si courageusement à la guerre et pour la vanité duquel vos personnes y bravent à chaque instant la mort.


Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus que vous, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il les innombrables argus qui vous épient, si ce n’est de vos rangs? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne les emprunte de vous? Les pieds dont il foule vos cités, ne sont-ils pas aussi les vôtres?


A-t-il pouvoir sur vous, que par vous-mêmes? Comment oserait-il vous courir sus, s’il n’était d’intelligence avec vous? Quel mal pourrait-il vous faire, si vous n’étiez receleur du larron qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue, et traîtres de vous-mêmes? Vous semez vos champs, pour qu’il les dévaste; vous meublez et remplissez vos maisons, pour fournir à ses voleries; vous élevez vos filles afin qu’il puisse assouvir sa luxure; vous nourrissez vos enfants, pour qu’il en fasse des soldats (trop heureux sont-ils encore!) pour qu’il les mène à la boucherie, qu’il les rende les ministres de ses convoitises, les exécuteurs de ses vengeances.


Vous vous usez à la peine, afin qu’il puisse se mignarder en ses délices et se vautrer dans ses sales plaisirs. Vous vous affaiblissez, afin qu’il soit plus fort, plus dur et qu’il vous tienne la bride plus courte : et de tant d’indignités, que les bêtes elles-mêmes ne sentiraient point ou n’endureraient pas, vous pourriez vous en délivrer, sans même tenter de le faire, mais seulement en essayant de le vouloir. Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres.


Allez plus loin : discours de la servitude volontaire de la Boétie en pdf.



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